REFLEXIONS SUR L’EGALITE DES GENRES ET LA PROMOTION DE LA FEMME AU BURKINA FASO
Entretiens et échanges d’idées avec
Hortense Diendjéré Kaboré
de la Coalition Burkinabé pour les Droits de la Femme
avec ses collègues
Brenda Gael McSweeney, Scholastique Kompaoré et Aminata Kiello
Ouagadougou, novembre 2009-juillet 2010
AVANT PROPOS
Hortense Diendjéré Kaboré
de la Coalition Burkinabé pour les Droits de la Femme
avec ses collègues
Brenda Gael McSweeney, Scholastique Kompaoré et Aminata Kiello
Ouagadougou, novembre 2009-juillet 2010
AVANT PROPOS
Au départ, Hortense Kaboré a surtout parlé de son expérience de coordonnatrice nationale du projet régional Droits et Citoyenneté des Femmes en Afrique Francophone (DCF).
Hortense Diendjéré Kaboré - 2005
En parlant de sa perception sur la notion de « femme modèle », elle nous a confié que dans une province, lors d’une formation des femmes leaders politiques, dans un exercice qui consistait à identifier des femmes modèles de leur région qui pourraient donner du tonus pour les booster, elles ont répondu qu’elles ne voyaient pas de femmes pouvant servir de modèles. C’était très dur d’entendre cela. L’idée du quota (30 %) pour un meilleur accès des femmes aux instances de prise de décisions est partie de là.
Une femme de vision, selon Hortense, c’est une femme capable d’anticiper. Il faut voir comment une telle femme fait la lecture de l’environnement dans lequel elle vit, afin de devancer les choses. La créativité manque beaucoup de façon générale. Son constat est que, on est attentiste et souvent, on imite après. On manque de créativité de façon générale.
Hortense a eu des difficultés à plusieurs occasions, à faire accepter des idées visionnaires auprès de certaines femmes de la Coalition Burkinabè pour les Droits de la Femme, CBDF (mise en place pour la réalisation du projet DCF) parce qu’elles n’en voyaient pas l’importance. C’est quand ces mêmes idées sont énoncées plus tard par d’autres personnes que ces femmes reconnaissent avec regret la pertinence desdites idées et disent que Hortense avait raison.
GENRE ET CULTURE
Pour Hortense, la démarche consiste à retourner à la racine pour recommencer, mais les gens n’ont pas la patience. Pour faire bouger les mentalités, il faut, au cas par cas, retourner à la source pour savoir quel est l’état des lieux. Il faut un état des lieux, un diagnostic pour mieux identifier les actions à mener et les stratégies de mise en œuvre adéquates.
Hortense - Ouagadougou, 2009
CODE DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES
Pour Scholastique, on a trop vite écarté la tradition, même dans ses aspects qui étaient favorables aux femmes. Il faudrait provoquer une relecture du Code de la Famille et des Personnes afin de prendre en compte ces éléments.
Hortense fait observer que les idées nouvelles restent souvent au niveau des décideurs, ces idées ne descendent pas. On n’a pas l’occasion de les partager avec le peuple, faute de moyens pour leur concrétisation ; Hortense a proposé que le travail se fasse avec les chercheurs, les universitaires pour une meilleure diffusion des idées car même si elles sont bonnes et valables, si la personne qui les énonce, qui les émet n’est pas connue, les idées restent lettre morte ; elles ne passent pas.
Egalité des genres au Burkina » est le thème d’un blog, dit Brenda. On y traite de thèmes entre autres, de l'éducation de la femme et de la jeune fille, les corvées des femmes, les mutilations sexuelles, etc.
Le projet de Hortense est terminé, mais elle reste notre référence en ce qui concerne les formations genre et développement, et l’élaboration de plans stratégiques de programmes et projets de développement des femmes, souligne Scholastique.
Hortense parle de frustration parce qu’on n’avance pas. Il y a de plus en plus de femmes qui se disent « engagées » au Burkina, mais l’engagement, n’est pas profond. Les femmes dites « engagées », en ne s’occupant que de problèmes ponctuels, ont bloqué l’élan. Elles n’ont pas de vision et c’est là, le drame. Mais, c’est en forgeant qu’on devient forgeron et les femmes finiront par comprendre qu’une approche prospective, participative, et intégrée est nécessaire pour qu’on avance. Si le lien entre les femmes de la base et celles qui occupent portefeuilles et fauteuils est établi les choses commenceraient vraiment à bouger.
Scholastique mentionne, en appui à ce que vient de dire Hortense, le cas du Code de la Famille et des Personnes. Lorsque Préfet de Toma et chargée de l’expliquer et de le discuter avec les femmes, elle était très contente d’annoncer aux femmes le contenu dudit Code, notamment la suppression de la polygamie. « Qui a dit qu’on ne voulait pas de la polygamie ?» protestèrent les femmes. Scholastique était stupefaite et s’est demandé comment partir des besoins réellement exprimés par les femmes pour amorcer les changements.
DES FEMMES DE CONVICTION
Brenda demande si Hortense peut énumérer des femmes de conviction au Burkina. Pour Hortense, il y a des femmes battantes, mais qui ne sont pas connues, d’où la difficulté de lister des femmes de vision au Burkina. Elle ajoute que malheureusement, la politique gâte tout. Les femmes n’osent pas s’exprimer pour ne pas perdre leur prestige, elles font des petits calculs. Il faut débusquer les femmes de vision, inconnues.
Hortense précise qu’elle avait proposé des regroupements de femmes, par centres d’intérêt, dans les régions. On lui demande de nouveau de citer quelques femmes de conviction, des femmes battantes. Hortense réfléchit. Scholastique dit alors que des femmes ont attrapé l’orteil du monstre pour essayer de le terrasser. Elles ont réussi à l’égratigner, elles ont réussi à essayer quelque chose pour que leurs successeurs continuent. Scholastique rajoute que des femmes sont sorties des ghettos dans lesquels on les avait placées, pour faire quelque chose. Même s’il y a eu des obstacles, Hortense par exemple s’est battue.
Ensuite, Brenda, Scholastique indiquent qu’elles veulent poser les questions essentielles aux « femmes de vision ». Nos discussions avec d’autres interlocuteurs nous ont amené à décider de commencer avec, comme « femmes de vision » celles qui paraissent dans le blog dans sa forme actuelle.
Hortense signale que l’Agence Canadienne de Développement International avait financé dans le cadre du projet DCF l’opération cartes d’identité qui a été ensuite abandonnée, faute de moyens et Monique Ilboudo, pendant qu’elle était Ministre de la Promotion des Droits Humains, avait réussi à inscrire dans ses plans d’action, l’établissement des cartes d’identité, jugements supplétifs, etc.pour favoriser l’exercice de la citoyenneté. Monique a une très grande ouverture d’esprit. Visionnaire, elle l’est, capable d’imaginer des stratégies porteuses à court et long terme, obligeant l’Etat à prendre ses responsabilités. Elle fait des recherches et publie souvent des écrits sur les femmes et leurs préoccupations.
VERS L’AVENIR
Brenda demande à Hortense, quelle est sa vision pour l’avenir.
La réponse de Hortense : « Socialiser l’enfant dans une perspective genre », car tout part de l’éducation ; amener les femmes à partir de leur réelle volonté d’améliorer ou de changer leurs pratiques quotidiennes pour éviter de débourser plein d’argent, de s’activer pour rien et d’arriver à très peu de résultats concrets. La politique nationale « genre » a été adoptée, mais elle est logée au Ministère de la Promotion de la Femme ! Des plaidoyers pour la loger au Premier Ministère afin que tous les Ministères se sentent concernés et parties prenantes, n’ont rien donné.
Ce qui pourrait contribuer à faire bouger sensiblement les choses, c’est l’exploitation judicieuse de « La Maison de la Femme » construite dans tous les chefs lieux des 45 provinces ; Chaque maison de la femme peut élaborer son plan stratégique visant à rendre les femmes autonomes, et rechercher les financements pour sa réalisation.
Hortense dit avoir un rêve qui est celui de réaliser au Burkina Faso un programme « Socialiser l’enfant dans une perspective genre » avec des partenaires techniques et financiers intéressés.
Brenda précise que l’UNESCO a choisi pour la période 2008 à 2013, deux priorités mondiales : 1) = Egalité des genres ; 2) = Afrique, ce qui est encourageant.
Il convient de voir, comment les femmes visionnaires, pourront être à l’origine d’une réflexion sur la promotion de l’égalité des genres.
Scholastique estime qu’il faut apprendre à discuter, à confronter filles et garçons dès l’école (1er ou 2ème cycle) pour intérioriser le genre. Il faut apprendre aux filles à s’exprimer, à argumenter, à confronter leurs idées avec celles d’autrui, fille ou garçon. C’est ce qu'elle a vu au Zimbabwe où des joutes oratoires opposent régulièrement des candidats et candidates.
Hortense suggère que l’idée de vacances/culture soit développée. La télévision et la radiodiffusion doivent s’y mettre, selon Scholastique. Au-delà des écrits, il faut s’engager sur le terrain. Il faut des gens pour continuer le combat du genre. Il faut tenir compte des aspirations diverses et changeantes. « La cause dépasse nos petites individualités et on continue à y croire », conclut Scholastique.
Brenda cite le proverbe jamaïcain, "one-one coco, full basket" qui signifie « si chacune de nous apporte même une seule noix de coco, bientôt le panier sera rempli ». Scholastique ajoute que même si on piétine, il faut y croire et aider la relève à continuer le combat.
Hortense clôt l’entretien en se rappelant que dans l’Association « Vive le Paysan » à Saponé, avec Eugène Ilboudo, il y avait une femme qui n’a jamais fait l’école, mais qui était très engagée ; c’était une battante et elle a inspiré des tas de gens et créé des émules. C’était une femme extraordinaire et on peut essayer de la retrouver.
Tout le monde fait le constat que de telles femmes « ordinaires-extraordinaires » constituent des femmes de vision, qui peuvent continuer à montrer le chemin aux autres.